MÉMOIRE DE LA COALITION NATIONALE
CONTRE LE TABAC DE CONTREBANDE

Résumé analytique

La Coalition nationale contre le tabac de contrebande (CNCTC) est une organisation qui se voue à la lutte contre la propagation des cigarettes illicites au Canada.

Ce mémoire comporte trois recommandations :

Recommandation 1 : Créer un groupe d’étude Canada-Ontario-Québec sur les cigarettes illicites;

Recommandation 2 : Élargir la portée des groupes d’étude existants sur la législation contre la contrebande du tabac;

Recommandation 3 : Cibler l’offre de tabac illicite en inspectant et en fermant les usines à cigarettes sans permis et en faisant respecter les règlements de Santé Canada dans les cabanes à tabac.

Au sujet de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande

Créée par l’Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA), la Coalition regroupe une vaste diversité de gens et d’entreprises qui se vouent tous à la lutte contre ce problème qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

La Coalition a pour mission de sensibiliser le public et les gouvernements à la gravité du problème que posent les cigarettes de contrebande et à faire pression sur les gouvernements provinciaux et fédéral pour qu’ils prennent des mesures.

Parmi les membres de la CNCTC, mentionnons : l’Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA); le Conseil canadien du commerce de détail; la Fédération des contribuables canadiens; le Conseil canadien des fabricants de produits du tabac; l’Association nationale des distributeurs des petites surfaces alimentaires (NACDA); la Chambre canadienne de commerce; l’Association frontière hors taxes; Les Producteurs de tabac jaune du Québec; la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ); le Conseil du patronat du Québec (CPQ); l’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ); Échec au crime Toronto; la National Citizens Coalition; et l’Union des douanes et de l’immigration (UDI).

Le tabac de contrebande au Canada

Le tabac de contrebande désigne les cigarettes et autres produits qui ne sont pas conformes aux règlements sur le tabac du Canada – en particulier ceux qui concernent l’importation, le marquage, la fabrication, la distribution et l’imposition. Il est fabriqué dans des usines clandestines qui chevauchent la frontière entre le Canada et les États-Unis, avec plus de 50 sites de fabrication illicites au Canada.

Le tabac de contrebande est distribué par un certain nombre de circuits. Il est facilement disponible dans plus de 300 cabanes à tabac qui fonctionnent en dehors de la réglementation gouvernementale. Il est également vendu par un vaste réseau de contrebandiers dans les collectivités de tout le Canada. Ceux-ci livrent ces cigarettes directement à la porte des consommateurs, ou ils agissent à la manière de revendeurs de rue qui vendent des cigarettes dans le coffre de leur voiture.

Une cartouche de cigarettes illicites peut coûter jusqu’à 70 $ de moins que le produit légal, et elle ne respecte aucune des exigences sur l’affichage de la réglementation ou l’emballage. À vrai dire, les cigarettes illicites sont souvent vendues directement aux consommateurs dans des sacs en plastique transparents et refermables. Une telle disparité des prix, conjuguée au fait que les contrebandiers ne vérifient pas l’identité des acheteurs, font que les cigarettes illicites sont l’une des principales sources de tabagisme chez les jeunes. De fait, une récente étude du Centre de toxicomanie et de santé mentale révèle que 43 p. 100 des cigarettes fumées par des étudiants du secondaire en Ontario étaient illicites, mentionnant la disponibilité des produits de contrebande comme raison pour laquelle les taux de tabagisme chez les jeunes de la province demeurent relativement élevés[1]. Cela cadre avec des études scientifiques indépendantes menées par la CNCTC qui confirment la forte prévalence de l’utilisation de cigarettes de contrebande chez les jeunes Canadiens[2].

Le coût du tabac de contrebande peut être faible pour les consommateurs, mais il s’avère extrêmement lucratif pour les criminels qui fabriquent ce tabac et le vendent. La GRC estime qu’il y a plus de 175 gangs de criminels qui utilisent les cigarettes illicites comme vache à lait pour financer d’autres activités illicites, notamment les drogues dures, les armes à feu et la traite des personnes.

Effets du tabac de contrebande sur le budget fédéral

Le gouvernement devrait se fixer comme objectif important de réduire la prévalence et la disponibilité des cigarettes illicites, car leurs coûts sociaux, comme nous l’avons vu plus haut, demeurent très élevés. Toutefois, la vigueur du marché du tabac de contrebande a également de sérieuses répercussions financières pour le gouvernement du Canada.

Le Comité permanent des finances a fait valoir un certain nombre de questions d’intérêt pour ce cycle budgétaire, notamment la façon dont le gouvernement peut assurer un taux d’imposition relativement bas et équilibrer le budget. Au cœur des deux objectifs, il faut s’assurer que le gouvernement maximise la perception des recettes fiscales prévues.

Le commerce des cigarettes de contrebande milite précisément contre cet objectif. Le Canada perd jusqu’à 2,4 milliards de dollars par an en recettes fiscales – 1,1 milliard de dollars pour le gouvernement fédéral – en raison du marché du tabac de contrebande. Ce n’est pas juste le problème d’un gouvernement qui accepte de ne pas percevoir les taxes qui lui sont dues. Comme nous l’avons vu plus haut, chaque dollar que le gouvernement perd au profit du marché illicite représente de l’argent dans la poche de certains des éléments les moins reluisants de la société. Endiguer ce flux est un objectif valable en soi, alors que la récupération des recettes fiscales perdues est une prime qui vient s’y ajouter.

La prééminence du tabac illicite nuit également aux petites entreprises qui respectent les règlements, notamment les dépanneurs et autres petits détaillants. Le faible prix des cigarettes de contrebande et leur extrême disponibilité dissuadent les gens d’aller les acheter dans ces magasins, ce qui entraîne une baisse appréciable de leurs recettes. Cela restreint leur capacité à engager des employés supplémentaires et, dans certains cas, peut même les obliger à mettre la clé sous la porte. Le Comité permanent des finances souhaite la création d’emplois stables de qualité, ce qui est un objectif tout à fait valable, mais il doit commencer par déployer des efforts pour protéger les emplois créés par les petites entreprises existantes. Pour ce faire, il doit s’assurer que les petites entreprises actuelles ne font pas face à une concurrence déraisonnable de la part d’un marché noir parallèle. Nous devons veiller à protéger les entreprises qui respectent les règles du jeu et à punir les gens sans scrupules qui ne les respectent pas.

Solutions

Il reste beaucoup à faire pour réduire la prévalence du tabac illicite au Canada. La Coalition nationale contre le tabac de contrebande propose trois lignes de conduite pour lutter contre les cigarettes illicites au Canada, lesquelles ont pour but de réduire l’offre et la demande de cigarettes illicites.

Recommandation 1 : Créer un groupe d’étude Canada-Ontario-Québec sur les cigarettes illicites

L’application de la législation sur le tabac illicite est importante, mais elle ne saurait venir à bout du problème à elle seule. Pour l’heure, la GRC estime qu’à peine 5 à 6 p. 100 du commerce du tabac de contrebande, qui vaut 13 milliards de dollars, est enrayé. Le problème des cigarettes illicites franchit les limites entre les provinces et les ministères, et il est important que notre démarche et notre stratégie reflètent la portée de ce défi.

Pour ce faire, les gouvernements du Canada, de l’Ontario et du Québec doivent créer un groupe d’étude interministériel qui coordonnera l’intervention face au tabac illicite. Un tel groupe d’étude permettra des communications plus fructueuses entre les administrations, facilitera l’échange d’un plus grand volume de renseignements et permettra d’intervenir plus efficacement contre la contrebande. Il appartient tout naturellement au gouvernement fédéral de jouer un rôle dirigeant à cet égard, d’autant plus que le marché illégal a donné au crime organisé une totale suprématie dans les territoires des Premières nations. N’oubliez pas que les criminels qui se livrent au commerce du tabac illicite évoluent sans égard pour les frontières. Nous ne devons pas les laisser entraver notre intervention.

Compte tenu de l’impact des cigarettes illicites dans les communautés autochtones, il est indispensable par ailleurs qu’un tel groupe d’étude établisse des ponts avec les dirigeants autochtones. Une intervention fructueuse face au défi des cigarettes illicites doit mobiliser tous les intervenants et reposer sur une solution concertée.

Recommandation 2 : Élargir la portée des groupes d’étude existants sur la législation contre la contrebande du tabac

Le Groupe d’étude régional de Cornwall a prouvé que la collaboration entre les gouvernements fédéral, de l’Ontario et du Québec peut donner des résultats inespérés. Même si la portée géographique de ce groupe d’étude est limitée, le problème de la contrebande ne l’est pas. Nous devons nous inspirer de ce succès afin d’élargir et de créer un groupe d’étude plus important de responsables de l’application de la loi du Canada, de l’Ontario, du Québec et des États-Unis. L’aggravation des sanctions et l’élargissement des pouvoirs de saisie de la police rendront les efforts d’application de la loi encore plus efficaces.

Le gouvernement a pris l’engagement de créer un nouveau groupe d’étude de la GRC contre la contrebande qui se compose de 50 agents. Ces ressources, surtout si elles sont liées à une coordination interadministrative plus étroite, sont une mesure importante dans le règlement de ce problème, qui doit être prise immédiatement.

Recommandation 3 : Cibler l’offre de tabac illicite en inspectant et en fermant les usines à cigarettes sans permis et en faisant respecter les règlements de Santé Canada dans les cabanes à tabac

Les organismes d’application de la loi ne peuvent réussir seuls dans leur lutte contre le tabac de contrebande. Il est tout aussi important de réduire l’offre de cigarettes illicites en ciblant les circuits d’approvisionnement et de distribution. On dénombre actuellement plus de 50 sites illégaux de fabrication au Canada. Ces sites doivent être inspectés et, lorsqu’ils ne sont pas conformes à la réglementation, ils doivent être fermés. Pour être transparent à l’égard du public, une liste exhaustive des fabricants titulaires d’un permis doit être publiée. Le gouvernement doit également songer à resserrer les impératifs de délivrance des permis pour ce qui est des matières hors tabac qui servent à la fabrication des cigarettes pour dissuader encore plus la fabrication illicite.

De même, on compte au moins 300 cabanes à tabac au Canada, généralement situées à quelques minutes en voiture des principales villes canadiennes. Ces cabanes sont une importante source de tabac de contrebande et elles fonctionnent sans le moindre égard pour la réglementation canadienne sur le tabac, notamment l’établissement des prix et la vérification des pièces d’identité. Ces cabanes doivent être inspectées régulièrement pour s’assurer qu’elles sont conformes aux règlements de Santé Canada et à d’autres règlements sur le tabac. Lorsqu’elles ne le sont pas, il faut alors les fermer.


[2] Voir par exemple « Youth Contraband Tobacco Study, 2009 », que l’on peut consulter en ligne à l’adresse http://www.stopcontrabandtobacco.ca/pdf/buttstudy2009.pdf.